vendredi 18 mai 2012

L'épidémie de 1703

À la fin de l’année 1702, une épidémie frappe la Nouvelle-France. On commence à s’alarmer au mois de novembre. Les ursulines de la ville de Québec commentent ainsi ces événements.
Sur la fin de novembre, la maladie commença dans la ville. Elle avait été apportée iic par un sauvage de la frontière. C’était une espèce de petite vérole accompagnée de plusieurs accidents fâcheux, et en moins de deux mois, l’on a compté plus de quinze cents malades, et entre trois et quatre cents morts. Les Messieurs du Séminaire furent les premiers atteints; tous leurs jeunes prêtres et ecclésiastiques, avec leurs séminaristes, tombèrent malades. Ils ont perdu trois de leurs jeunes ecclésiastiques et cinq de leurs écoliers. Les Pères Jésuites ont perdu le R.P. Crespieul, qui est mort de fatigue et de compassion de la misère publique, où il ne voyait point de remède, toute la ville n’étant plus qu’un hôpital-général. Les Récollets ont perdu deux pères et un frère; les Mères de l’Hôtel-Dieu, trois religieuses de chœur et une converse; l’Hôpital-Général, deux religieuses de chœur et une donnée. (1)
Selon Marcel Trudel, « en 1702 et 1703, l’épidémie de variole aurait causé, à Québec seulement, plus de 2 000 morts » (2). Ce chiffre avancé par Marcel Trudel peut paraître exagéré mais il révèle l’étendue de la dévastation causée par cette épidémie quand on sait que la population de la Nouvelle-France, en 1698, ne compte que 15 355 âmes (3). Pierre-Georges Roy parle plutôt de 400 sépultures, ce qui semble plus plausible (4). La maladie sème tristesse et désarroi dans la population de la grande région de Québec  et « On faisait aussi au dehors des prières publiques, telles que neuvaines de saluts, oraisons de quarante-heures et processions » (5).

Le fléau décime la population comme l’indique le nombre de sépultures dans les registres paroissiaux. Par exemple, à Québec, on enterre 46 personnes en 1701, 143 en 1702, 177 en 1703 et, en 1704, on assiste à un retour à la normale avec 34 inhumations. La terrible maladie atteint Beauport en 1703 car, en 1702, les registres comptent 7 enterrements comparativement à 65 en 1703 et 5 en 1704. Les statistiques le montrent : l’épidémie frappe durement Beauport. La plupart des membres des familles Parent qui demeurent à Beauport parviennent à échapper à l’épidémie mais on dénombre tout de même huit décès dont l’un de façon accidentelle. Ainsi, les décès chez Parent représentent 12,3 % des sépultures de Beauport en 1703.

Les familles des triplets Parent n’échappent pas au fléau et sont affectées par le décès de deux de leurs enfants. En effet, Jean Parent et son épouse, Marie-Françoise, perdent leur fils Simon le 16 février 1703 et, Étienne et Marie-Thérèse, un fils prénommé lui aussi Étienne, quatre jours plus tard. Paul Parent, fils de Pierre Parent et de Marguerite Baugis, meurt le 11 avril 1703, deux jours après sa naissance. La famille de Jacques Parent est aussi frappée par la maladie. Au dernier jour de 1702, un jeune homme dans la fleur de l’âge décède : il s’agit d’Henri Parent, leur fils âgé d’environ 23 ans. Cette série noire continue et, à l’automne 1703, Louise Chevalier,  son épouse, succombe le 28 septembre 1703. À son décès, il reste encore huit enfants d’âge mineur.
 
1. http://www.canadiana.org/view/34243/11
2. Marcel Trudel, Initiation à la Nouvelle-France, Montréal, Holt, Rinehart et Winston Limitée, Montréal, 1968, p. 241.
3. Recensements du Canada 1665 à 1871, Vol. IV, Ottawa, 1876, p. 40.
4. Pierre-Georges Roy, « Les épidémies à Québec », Bulletin des recherches historiques, vol. 49, 1943, p. 208.
5. http://www.canadiana.org/view/34243/11.

vendredi 11 mai 2012

Fiche familiale d’Étienne Parent, le triplet


Étienne Parent (Pierre Parent et Jeanne Badeau)
n 1674, Beauport ; d 22; s 23-8-1756, Beauport

m 1 : Marie-Thérèse Chevalier (René Chevalier et Jeanne Langlois), (contrat de mariage du 11-2-1696, notaire Jean-Robert Duprac),  février 1696, Beauport
n vers 1675, Beauport; d 16; s 17-8-1725, Hôtel-Dieu de Québec

1. Étienne
n 10; b 16-12-1696, Beauport; d 20; s 20-2-1703, Beauport

2. Joseph
n 20; b 21-9-1698, Beauport; d 27; s 27-1-1700, Beauport

3. Noël
n 24; b 24-9-1700, Beauport; d -; s 9-12-1700, Beauport

4. Marie-Geneviève
n 11; b 11-8-1702, Beauport; d 29; s 30-12-1776, Sainte-Marie-de-Beauce
m 18-11-1726, Beauport
Alexandre Lefebvre (Jean et Marie Crête)
n 10; b 10-8-1694, Beauport; d 21; s 22-3-1755, Sainte-Marie-de-Beauce

5. Josephte
n 2; b 2-6-1704, Beauport; d 15; s 15-4-1717, Beauport

6. Jeanne-Cécile
n 23; b 24-5-1706, Beauport; d 26; s 28-4-1789, Notre-Dame-de-Québec
m 1 : 3-1-1728, Beauport
Olivier Hugron, veuf Marguerite Pagé
n 24-11-1689, Redon, Bretagne; d -; s 27-1-1736, Notre-Dame-de-Québec

m 2 : 5-3-1737, Notre-Dame-de-Québec
Jean Charpentier (Gabriel et Marie Chevalier)
n France; d 14; s 15-4-1790, Notre-Dame-de-Québec

7. Étienne
n 12; b 12-5-1708, Beauport; d 5; s 7-3-1782, Ste-Marie-de-Beauce
m 28-8-1730, Beauport
Marie-Geneviève Lefebvre (Jean et Marie Crête)
n 4; b 4-1-1704, Beauport; d 12; s 14-7-1786, Ste-Marie-de-Beauce

8. Noël
n 24; b 24-2-1710, Beauport; d 11; s 11-10-1714, Beauport

9. Thérèse-Angélique
n 1; b 1-6-1713, Beauport; d 28; s 30-1-1798, L’Ange-Gardien
m 27-9-1734, Beauport
Ambroise Trudel (Jean et Louise Mathieu)
n 10; b 10-1-1708, L’Ange-Gardien; d 1; s 2-9-1790, L’Ange-Gardien

10. Pierre
n 19; b 19-11-1715, Beauport; d 13; s 14-10-1785, Varennes
m 22-9-1738, Notre-Dame-de-Québec
Marie-Louise Gagnon (Joseph et Marie-Anne Louineau)
n 9; b 10-9-1717, Notre-Dame-de-Québec; d 1; s 2-3-1789, Varennes

11. Michel
n 29; b 29-5-1717, Beauport; d 1; s 2-7-1717, Beauport

12. Marguerite
n 7; b 7-9-1720, Beauport; d 12; s 13-1-1726, Beauport


m 2 : Geneviève Trudel (Nicolas x Barbe Letartre), 28-4-1727, L’Ange-Gardien
n 2; b 2-3-1696, L’Ange-Gardien; d 12; s 13-1-1748, Beauport

1. Nicolas
n 7; b 7-1-1728, Beauport; d 9; s 11-2-1796, Beauport
m 19-1-1750, Beauport
Catherine Marcoux (André et Angélique Amelot)
n 17; b 17-12-1729, Beauport; d 24: s 26-2-1787, Beauport

2. Jean-Baptiste
n 6; b 6-7-1729, Beauport; d 7; s 8-8-1729, Beauport

3. Antoine
n 6; b 7-8-1730, Beauport; d 2; s 3-7-1777, Notre-Dame-de-Québec
m 1 : 18-4-1757, Notre-Dame-de-Québec
Marie-Madeleine Vallée (Jean et Marie-Madeleine Monjon)
n 10; b 10-11-1736, Beauport; d 13; s 14-7-1773, Notre-Dame-de-Québec

m 2 : 7-2-1774, Notre-Dame-de-Québec
Élisabeth Vachon dit Laminée (Louis et Élisabeth Campagna)
n 17; b 17-5-1739, Beauport; d 10; s 12-10-1790, Notre-Dame-de-Québec

4. Charles
n 4; b 4-11-1732, Beauport; d 4; s 8-10-1755, Laprairie

5. Louise-Geneviève
n 27; b 27-3-1734, Beauport; d 9; s 11-6-1802, Beauport
m 10-4-1758, Beauport
Alexandre Vallée (Nicolas et Marie-Louise Lefebvre)
n 30; b 30-12-1726, Beauport; d 17; s 19-8-1799, Beauport

6. Eustache
n 25; b 25-11-1735, Beauport; d 2; s 4-3-1802, Beauport
m 30-6-1761, Notre-Dame-de-Montréal
Marie-Amable Ménard (Louis et Ursule Demers)
n 20; b 20-4-1729, Notre-Dame-de-Montréal; d 29-6; s 1-7-1803, Notre-Dame-de-Montréal

7. Marie-Françoise
n 18; b 18-10-1737, Beauport; d 1; s 2-2-1738, Beauport

8. Anonyme
n 18; b 18-10-1737 (jumelle de Marie-Françoise); d 25; s 25-10-1737, Beauport

9. Jean-Marie
n 5; b 5-11-1739, Beauport; d 16; s 17-7-1817, Sainte-Marie-de-Beauce
m 5-2-1765, Beauport
Marie-Anne Barbeau (Joseph et Josephte Loiselle)
n 16; b 17-10-1743, Charlesbourg; d 13; s 15-7-1824, Sainte-Marie-de-Beauce

vendredi 4 mai 2012

Les triplets de Beauport et le travail de la pierre


La famille Parent décide de frapper à la porte de Claude Baillif et de profiter de son savoir-faire. Baillif est « l’entrepreneur en bâtiments le plus connu et le plus prolifique du XVIIe siècle» (1). Au mois d’avril 1687, Pierre Parent et Jeanne Badeau concluent un accord avec l’architecte de renom. Le 11 avril, Jeanne Badeau, au nom de son mari absent, et Claude Baillif se présentent chez le notaire Gilles Rageot. Le contrat spécifie que Jean Parent, âgé de 12 à 13 ans – étonnant de constater que les parents ne puissent pas être plus précis sur l’âge de leur enfant – deviendra apprenti chez Claude Baillif à partir du 1er juin prochain pour une durée de cinq ans. Baillif l’initiera aux métiers entourant le travail de la pierre. Plusieurs clauses de ce contrat fournissent un aperçu de la situation d’un très jeune apprenti. Premièrement, le jeune Parent aidera l’architecte au cours de la première année de son apprentissage selon les besoins exprimés par le maître. Lorsque l’apprenti aura acquis plus d’expérience, Baillif s’engage à le rémunérer. Il lui versera la somme de 150 livres tournois pour les deux dernières années d’apprentissage; ce salaire sera payé moitié en argent et moitié en billets payables en deux termes égaux. Tout au long de la durée du contrat d’apprentissage, l’architecte s’engage à nourrir et entretenir l’apprenti et à lui fournir tout son habillement (2). Jean Parent terminera son apprentissage âgé de 19 ans.

Jean n’est pas le seul triplet à profiter de la possibilité de devenir apprenti chez Claude Baillif. Au mois de juin 1692, l’architecte accepte de servir de mentor à un autre triplet, Étienne Parent. Le 22 juin, Jeanne Badeau se présente chez le notaire Louis Chambalon, une fois de plus sans son mari. Ici encore, elle ne donne pas précisément l’âge de son fils; elle déclare qu’Étienne est âgé de 16 à 17 ans. Pour la signature de ce contrat d’engagement, elle est accompagnée d’un de ses fils, André, qu’elle qualifie comme « L’un de Ses enfans principal Conducteur de leur famille », et de Joseph Rancourt, son gendre. Dans ce cas-ci, le contrat d’apprentissage aura une durée de trois ans.

Baillif promet de lui enseigner et de lui montrer à tailler la pierre et à effectuer des travaux de maçonnerie. L’architecte s’engage à nourrir, loger et blanchir l’apprenti pendant la durée du contrat et de lui payer un salaire. Étienne Parent recevra une somme de 60 livres la première année, 80 livres la deuxième année et 100 livres pour la dernière année (3). Les clauses d’apprentissage d’Étienne sont plus avantageuses que celles de Jean mais leur situation est très différente. Il faut considérer dans ce dernier cas que l’apprenti est plus âgé et qu’il possède vraisemblablement quelques rudiments des métiers se rapportant au travail de la pierre.

La situation que vivent les frères Parent correspond à celle de la plupart des apprentis en Nouvelle-France. Indépendamment du métier, la durée moyenne d’un apprentissage est de trois ans et trois mois et, chez les maçons, elle est de trois ans et six mois. Si le profil type d’un apprenti maçon s’applique mieux à Étienne quant à l’âge, il en est tout autrement pour Jean tant par son âge – l’âge moyen d’un apprenti maçon est de 17 ans et 11 mois – que par le salaire qu’il reçoit qui est nettement inférieur au salaire moyen reçu par ce type d’apprenti soit de 60 livres par an. Toutefois, le jeune âge de Jean fait en sorte qu’il participe peu ou pas aux lourds travaux que demande le travail de la pierre pendant les trois premières années de son apprentissage et explique le fait que son maître ne lui paie pas de salaire durant cette période. En général, les apprentis plus jeunes vivent un apprentissage plus long que les apprentis plus âgés (4).

Pendant que Jean et Étienne s’initient aux secrets de la construction en travaillant la pierre, on ne sait rien de ce que fait leur frère jumeau Joseph. Aucun acte notarié ou autres documents permettent d’affirmer qu’il a suivi le même chemin que ses frères. Cependant, le métier qu’il exercera au cours de sa vie laisse supposer qu’il a lui aussi appris le métier de maçon et qu’on lui a enseigné l’art de construire avec de la pierre. Il est bien possible qu’il soit devenu apprenti sans qu’un contrat notarié officialise son statut. Il faut signaler que Joseph est le seul des triplets à savoir signer son nom.

1. Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 1966, p. 76.
2. BAnQ, Minutier de Gilles Rageot, le 11 avril 1687.
3. BAnQ, Minutier de Louis Chambalon, le 22 juin 1692.
4. Jean-Pierre Hardy et David-Thiery Rudel, Les apprentis artisans à Québec 1660-1815, Québec, Les Presses de l’Université du Québec, 1977, p. 40-47.